Notre chef en pince pour le homard

Chaque année, le Club Saint-James de Montréal organise de fabuleux soupers de homard.

Philippe Sarrailh n’a pas appris à maîtriser le homard au large de la Gaspésie ou des Îles de la Madeleine, mais sur les rives de la Seine. Originaire du sud-ouest de la France, il a en effet travaillé pendant six ans à Paris aux côtés de grands chefs. «En France, le homard est un produit de luxe, servi à l’année dans les grands restaurants. On s’approvisionne à diverses sources et il n’y a pas, comme ici, de temps fort, de saison du homard à proprement parler», explique monsieur Sarrailh.

Le meilleur homard est-il bleu? Non, mais il est petit.

Quant à se prononcer sur le meilleur homard, notre chef hésite. La question est délicate, la réponse doit être exempte de tout chauvinisme ou de simple fierté patriotique. Forcément, on parle de l’incontournable homard breton, aussi connu sous le nom de «homard bleu». Est-il vraiment meilleur? Son coût extrêmement élevé (autour de 125$ le kilo) est-il justifié par son goût? Pour Philippe Sarrailh, c’est plutôt sa rareté qui explique sa cherté.

Le chef avoue son penchant pour le homard qui provient des eaux froides de nos côtes. En fonction des pêches, il nous arrive à la fin mai des Îles de la Madeleine, de la Gaspésie, de la Nouvelle-Écosse. «Pour moi, les petits homards d’une livre, une livre et quart au début de la saison sont les meilleurs. Les gros homards qui nous arrivent pendant l’été des États de la Nouvelle-Angleterre sont plus vieux, la chair est moins sucrée, moins ferme. Mais ils ont l’avantage d’être beaucoup plus faciles à décortiquer», dit en souriant celui qui, avec sa brigade, décortique des centaines et des centaines de homards en préparation des fameux soupers de homard du Club Saint-James.

Mâle ou femelle, à vos minuteries!

On reconnaît un homard femelle à l’épaisseur et à la rigidité du cartilage et des petits crochets qui se trouvent à la jonction entre le thorax et la queue. Chez le mâle, le cartilage et les crochets sont beaucoup plus épais, plus durs que chez la femelle. Quant au goût de la chair, il n’y a pas de différence entre les deux sexes. Par contre, la femelle porte les œufs, qu’on appelle aussi «corail», et qui représentent un délice pour certains amateurs. «Il y a aussi plus à manger dans une femelle: la queue est plus large», précise le chef avant d’ajouter que le temps de cuisson n’est pas le même selon qu’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle. «Comptez environ 10 minutes pour un mâle et 14 minutes pour une femelle, pour que le corail soit cuit. Celui-ci doit être rouge.» Ces temps de cuisson sont donnés pour des bêtes d’une livre, une livre et quart, que l’on fait bouillir.

Au menu des soupers de homard

Les soupers de homard du Club Saint-James de Montréal s’adressent évidemment aux amateurs puisque ce sont des menus tout homard. D’abord une entrée froide, puis une entrée chaude qui consistent chacune en un demi-homard bouilli, apprêté différemment chaque année. «J’aime beaucoup travailler avec le curry et le lait de coco, des saveurs qui se marient merveilleusement avec le homard. Il y a aussi les fruits — la mangue, la fraise — qui s’harmonisent très bien, la vanille également», nous confie le chef. Après les entrées, vient la fameuse bisque, suivie du homard bouilli, servi à volonté.

Quand on demande à Philippe Sarrailh combien de homards passeront littéralement à la casserole pour ces soupers, il se prête à un exercice de calcul presque vertigineux: «Environ 1500 homards». Évaluation basée sur une moyenne de deux homards et demi par convive.

Pour faire une bisque de homard

Si vous n’avez pas la chance de goûter la bisque servie lors des soupers de homard, le chef vous livre sa recette! Récupérez toutes les carcasses des homards que vous avez décortiqués, pinces, pattes, tout. Les saisir dans le beurre très chaud, dégraisser, puis flamber au cognac, mais allez-y doucement pour ne pas donner d’amertume à votre préparation. Ajouter vin blanc, oignon, carotte, céleri, fenouil et mouiller avec du fumet de poisson. Adjoindre la pâte de tomate ou les tomates entières, et laisser mijoter doucement pendant 30 minutes, pas plus. Mixer, filtrer avec une passoire très fine et faire réduire. La préparation doit réduire des trois quarts (un litre au départ vous donnera environ 250 ml à l’arrivée). Plus la préparation sera réduite, plus ce sera goûteux. Enfin, il vous reste à lui incorporer de la crème, au goût, et de l’épaissir, si nécessaire, avec de la maïzena détendue dans de l’eau, petit à petit, en bouillant jusqu’à la liaison souhaitée.

Bouilli ou poêlé, voici un compromis.

Faire bouillir le homard est la façon la plus simple de le cuire, le poêler lui donne plus de saveur, mais est plus complexe. Le chef nous propose un délicieux compromis: «Faire bouillir le homard jusqu’à mi-cuisson, le décortiquer, puis achever la cuisson à la poêle. Saisir la chair dans un beurre salé, déglacer au vin blanc ou au cognac, ajouter un peu d’estragon, un peu de crème et de pâte de tomates. Ne pas trop cuire pour éviter que la chair devienne caoutchouteuse».

Merci, chef Sarrailh, et bonne saison de homard!